Décryptage d'un monde mystérieux (3) - Un tour du monde basé sur le poisson (a)

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Formation Mots clés : visite, USA

(3ième partie / 1ière section)

Que fait-on lorsqu'on désire s'améliorer dans son domaine de spécialisation et qu'on vient de passer cinq années dans une entreprise privée ? Si l'on n'est pas certain de pouvoir reprendre des études orientées vers ce qui vous attire, il ne vous reste plus que d'aller voir où l’on pratique ce que vous voulez réellement savoir. En d'autres termes, il faut prendre le temps de visiter et d'en faire la demande avec suffisamment d'anticipation.

C'est ce que l'un de nous a fait pendant plusieurs mois ...en somme une année sabbatique, libre de toute contrainte vis-à-vis d’un employeur ! Ainsi durant sa dernière année d’embauche en Costa Rica, il recontacta tous les professionnels à l’extérieur qui l’avaient assister en pisciculture. C’était la possibilité d’en voir d’avantage dans leur propre pays !

Toutefois, deux paramètres étaient fondamentaux pour mener à bien cette audace : le premier concernait le budget pour pouvoir réaliser de pareilles visites techniques; le second, tout aussi important, avait trait aux nombreux lieux où de possibles visites pouvaient se faire.

Il a donc fallu d'abord épargner longuement pour accumuler cette sécurité monétaire. Il faut dire que les rémunérations salariales en Amérique Latine n’avaient rien à voir avec celles des pays plus industrialisés. Mais en relation avec le coût de la vie locale, c’était acceptable et il fût parfaitement possible de réaliser des économies régulières.

Le second point put être en partie solutionné grâce au poste occupé au sein de la division expérimentale de l'entreprise dans laquelle il avait travaillé. Mais c'était encore l'époque des lettres, car l'ordinateur commençait seulement à se pointer et on était loin de toutes ces communications électroniques, presque instantanées, d'aujourd'hui. La prospection fut effectivement également fort lente, mais les invitations s’accumulèrent grâce à l'amitié et les bons rapports.

Et un beau jour d'automne, le grand voyage débuta.

Grâce à des amis, il visita brièvement quelques centres piscicoles et entreprises privées aux Panama, Honduras, Guatemala et Mexique. Puis, l'avion l’emmena au sud des U.S.A., mais ici le transfert fût de taille car il fallut passer de +30°C à -2°C ! En effet, les froids hivernaux avaient été précoces en cette fin de 1982. D’autres aspects se firent également sentir ...comme une plus grande rigueur des règles administratives, notamment aux douanes, et la forte hausse en général dans les coûts de consommation courante, telle l’alimentation et le logement.

Toutefois, c’est dans le pays de l’oncle Sam que l'instruction visuelle commença réellement.

Par le biais de transports privés et des services de la Greyhound et Northwest (lignes de bus à longues distances en Amérique du Nord), il se déplaça dans pas moins de 16 états aux Etats-Unis. Il traversa aussi le Canada depuis Québec, une belle ville surplombant le fleuve Saint-Laurent, jusqu’à Vancouver sur le Pacifique. Entre Winnipeg et Calgary, il observa les immenses surfaces cultivées de céréales, à perte de vue, et prit conscience de la « courbure » de notre planète !

Les visites s’enchaînèrent et ne déçurent jamais.

Il y eu d'abord la découverte de plusieurs universités ayant un « department » (une faculté) orienté vers l’aquaculture, les pêches ou l'ichtyologie1. Sans aucun a priori, tous lui ouvraient grand les portes de leur enseignement : information sur les cours délivrés, découverte des laboratoires pour la recherche et visite de stations expérimentales (étangs & lacs), s'étendant sur des hectares, où se réalisait les pratiques de l’instruction.

Il sentit rapidement qu'il y avait là beaucoup de connaissances et une réelle compétence ! En parlant avec certains chargés de cours, il fût impressionné par la facilité d'accès auprès de ces professeurs, tous titulaires d’un domaine spécifique mais complémentaire au curriculum imposé. De plus, l'approche de leurs recherches, aussi bien fondamentale qu'appliquée, se faisait essentiellement avec les fonds d'une industrie demandeuse pour améliorer leur rentabilité. Le réalisme était de mise !

Dans la spécialisation, cette approche académique était fort différente de ce que le visiteur avait lui­-même connu en Europe. Et pour cause, des universités qui s’allient aux entreprises peuvent souvent gagner par complémentarité. Malgré une certaine peur de perdre la main sur de possibles retombées économiques, partager des données expérimentales, des résultats de recherche ou bénéficier d’un savoir-faire peut dans la plupart des cas accélérer le développement de toutes les parties ...souvent pour le plus grand bonheur de ses opérateurs.

Il y eu aussi la visite de plusieurs centres de recherche. Tel fût le cas de l'intéressant New Alchemy Institute à Hatchville, près de Woods Hole (Cap Cod) dans le Massachusetts. Le visiteur y découvrit des applications associant plusieurs énergies alternatives et des "bioshelters"2 à de petites productions agricoles et piscicoles. On y trouvait bien des astuces pour produire dans un même circuit fermé des légumes par hydroponie et des poissons en utilisant l’énergie du soleil, du vent, de l'hydraulique et des matériaux plastiques tels le polycarbonate alvéolaire ou le Polypropylène traité anti-UV.

Pareils systèmes recyclant la matière organique étaient une mine d'informations pour les non-initiés, comme c'était le cas du visiteur !

Plus tard dans l’état de Washington, il y eu cette belle rencontre avec Hugh, le manager de Troutlodge Incorporation, une des plus importantes productions (au monde) d’œufs de truites ...avec plus de 500 millions d’œufs/an. Son invitation dans une contrée particulièrement isolée (le voyageur se demanda où il l'entraînait) permit de découvrir toutes les étapes de cette reproduction particulière, depuis la maturation des gonades jusqu'à l’obtention massive d'alevins pour être envoyés aux 4 coins du pays et même au-delà des frontières. Il y avait aussi de très belles truites jaunes de deux kilos ...une niche commerciale particulière.

A Buhl dans le Idaho, le voyageur fût reçu par le PDG d'une des plus grandes fabriques US d'aliments aquacoles (la Rangen Inc.). Il put visiter leurs installations, voir leurs machines entrain d'élaborer les "pellets" (granulés) pour poissons, ainsi qu'apprécier leur programme et la démarche commerciale pour écouler des tonnes d'aliments vers les aquaculteurs. La compagnie possédait aussi ses propres "raceways" (bassins hors-sol) pour pouvoir expérimenter leurs formules industrielles sur la croissance des truites.

Cela complétait un chaînon important pour pouvoir produire plus rapidement et amortir des coûts d'investissements de manière plus efficace.

Sur les collines de leur énorme propriété, des bisons déambulaient et ruminaient. On se serait crû revenir aux années du Far-Ouest du début des années 1.800 !

Dans le Idaho (région nord plus froide), il y eu également cette pisciculture atypique de tilapias et « catfishes » (poissons-chats ou silures) alimentée en eau "chaude" par une source géothermale. Le propriétaire de cette exploitation intensive n’était autre que le président de l’ American Tilapia Association et était surtout connu dans les états du sud ...aux températures beaucoup plus clémentes !

Enfin, il y eût cette super-production aquacole dans la Snake River Valley. Dans cet autre site retiré, il y avait des centaines de raceways3 rectangulaires disposés en plusieurs étages, alimentés en amont par d’énorme pompes et en aval par écoulement gravitationnel. Les tonnes d’aliments industriels étaient distribués au moyen de grands distributeurs qui se déplaçaient automatiquement sur des rails au-dessus de l’eau ! L’analyse des paramètres de l’eau, la récolte, le traitement et conditionnement des poissons étaient tous contrôlés à distance et géré par du personnel hyper-spécialisé. Leurs produits inondaient bien-entendu les plus grandes surfaces commerciales du pays. Mais pour en arriver là, il avait fallu faire de (très) gros investissements. C’était fort impressionnant, mais ce n’était certainement pas l’ambition du visiteur ...qui souhaitait, déjà à l’époque, pouvoir produire un jour du « qualitatif »4.

Pour ne pas ennuyer le lecteur, l’auteur omet volontairement beaucoup de visites effectuées au pas de charge, car elles n’étaient pas des plus marquantes.

A côté de toutes ces révélations techniques, il y eût en plus des traversées inoubliables dans des paysages grandioses (à l'échelle du pays), parfois à vous couper le souffle ! Parmi les états qui marquèrent le plus notre voyageur insolite, citons :

  • La Louisiane – avec l’architecture défraîchies de ses vieilles villes ; ses marécages infestés de crocodiles ; des autoroutes circulant sur des dizaines de kilomètres suspendues à 5-6 mètres au-dessus de toutes ces terres inondables.

  • Le Mississippi – au fleuve d'une largeur disproportionnée et ses vieux bateaux à grandes auges ; de superbes mansions à colonnes, vestiges d'anciennes plantations d’un temps moins glorieux durant lequel le coton épineux était cueilli par une main d’œuvre esclave peu considérée.

  • La Caroline du nord - avec de belles maisonnettes en bois datant d’il y a 150 ans, reliquat de cette longue Guerre de Sécession ("Civil War" comme disent les citoyens US) qui fit plus de 600.000 morts.

  • Le Massachusettsavec quelques presqu'îles où la brise se fait entendre au milieu d'une nature côtière des plus découpées et superbement boisées.

  • L’Utahet Salt Lake City avec son « Mormon Tabernacle », un impressionnant dôme oval en bois offrant une acoustique remarquable ; des routes rectilignes qui se perdent à l'horizon vers le sud.

  • L’Arizonaet son parc national du Grand Canyon, une impressionnante fracture dans la croûte terrestre (un mile, soit 1,6 Km, de profondeur) à côté de laquelle le voyageur se sentit bien petit.

  • Le Washington (state)et la beauté sauvage de ses paysages ; son majestueux Mount Olympus ; des rencontres enrichissantes dans une réserve indienne qui lui montrèrent des pièges à saumons, l’obtention des œufs pour un réensemencement ultérieur (en rivière) et le conditionnement de leur chair.

  • La Californieavec des kilomètres de vignobles d’excellents vins ; son ancienne prison « Alcatraz Island » ; une traversée mouvementée de la fameuse forêt « Muir Woods » où l’on trouve d’imposants Redwoods et Séquoias géants.

Le voyageur traversa aussi d’agréables villes comme :

  • New Orleanset les petits balcons en fer forgé dans la vieille ville ; ses orchestres noirs de jazz ; sa légendaire soupe de "crawfish" (l’écrevisse rouge Procambarus clarkii) endémique à cette région typique du sud.

  • Washington D.C. (District of Columbia) - une capitale très spacieuse et propre ; le Capitole et le Lincoln Memorial, avec une gigantesque statue du président qui abolit l’esclavagisme ; la colline de l'imposant cimetière national d’Arlington, où reposent notamment les frères Kennedy, quelques astronautes et le champion du monde (poids lourd) Joe Louis.

  • San Francisco – et son tram aboutissant en fin de ligne, au bas de la côte, sur une plaque tournante que l’on actionne à la force des bras ; son marché aux crustacés ; un peu à l’écart, le majestueux Golden Gate à 6 voies réversibles.

Le voyageur traversa ensuite le Pacifique en faisant escale à Hawaï où il fût reçu par un des responsables de l'Océanic Institute, une organisation publique. Leur système de production intensive fonctionnait sur un recyclage d’eau de mer. C’était pour le visiteur le début d'une prise de conscience qu'il était possible de produire avec un minimum d'eau. L’approche originale permettait de récupérer celle-ci en la faisant passer par plusieurs types de filtre qui combinait le « physique » - pour éliminer les grosses particules, le « chimique » - pour neutraliser les toxines, et les « U-V5 » - pour tuer les bactéries. Pour le visiteur, c’était donc important d'observer les détails de sa conception, car le circuit d’épuration avait été entièrement conçu sur place ...et donc parfaitement reproductible !

A l’autre bout de l’île Oahu, il y eût ensuite la visite d’une entreprise privée qui produisait de grandes crevettes d'eau douce (Macrobrachium rosenbergii). Cette exploitation était gérée par des citoyens US d'origine asiatique qui possédaient de grands étangs. L’alimentation des crustacés se faisait au moyen d’une énorme soufflante (« blower ») à granulés, fixé à l’arrière d’un tracteur, qui projetait l’aliment concentré loin des bords de l'étang. Le visiteur put observer le conditionnement rustique et la manière de vendre en direct des gambas vivantes, car après chaque récolte la clientèle prévenue par téléphone accourait pour acheter cette précieuse cargaison par ...dizaines de kilo !

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1  Sciences des poissons et de leur environnement.

2  Une serre solaire vivante gérée comme un écosystème intérieur totalement contrôlé.

3  Bassins en ciment.

4  En d’autres termes, du « haut de gamme ».

5  Désigne une bande du spectre électromagnétique ayant une longueur d’onde comprise entre 10 nm et 400 nm (plus courte que la lumière visible, mais plus longue que les rayons X).

Quelle est le quatrième caractère du mot vzes5ah ?

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