Reproduction et écloseries

Rédigé par Aquideas 1 commentaire

     Parfois, certains « labels » n’autorisent aucun passage par l’écloserie. Pourtant bien souvent, le contrôle d’animaux aquatiques ne fait que mimer (copier) ce qui se fait dans la nature.

     La grosse différence est le fait que dans cette même nature, il existe une rude concurrence et que fort peu de « bébés » (alevins, larves, semences) sortent indemnes de cette compétition !

     Prenez le cas d’un géniteur de crevettes du genre Penaeus (dont fait partie notre belle crevette impériale P. japonicus ...à queue bleue, jaune et rouge): lorsque les larves sont relâchées dans les eaux de l’estuaire, elles sont parfois au nombre de 1 million par femelle, mais de nombreux prédateurs les guettent pour s’en alimenter. Pour eux, c’est un peu comme du caviar... ! En fin de compte, bien peu de larves survivront à cette hécatombe et tout au plus 1-2 % parviennent au stade de post-larve/juvénile !!! C'est la raison pour laquelle on a établit des écloseries ...lorsqu'on en dominait les connaissances pour pouvoir les reproduire ...afin de protéger ses larves et d'en produire suffisamment pour ses propres besoins ...sans dépendre du milieu naturel.

     Là où cela ne va plus dans ces mêmes écloseries, c’est l'usage intensif de produits chimiques (pharmaceutiques/vétérinaires) lorsque vous essayez de contrôler des maladies ou prévenir de possibles infections ...qui n’apparaissent pas toujours (car il y a des écloseries qui systématiquement appliquent des antibiotiques ...qui affectent toujours les petites larves d'une façon ou de l'autre1). De plus, il est fréquent d'utiliser ces matières chimiques à de mauvaises concentrations pour ce en quoi on les destine. En général, ces problèmes qui vont à l'encontre de la prophylaxie2 sont fulgurants, car souvent la sévérité à laquelle ils agissent est directement liée à de fortes densités de larves. Dans les années 70s à Taïwan (République de Chine), il y eût ainsi des mortalités presque totales dans plusieurs écloseries qui justement opéraient à des densités extrêmes...

     Il faut donc réduire la densité des alevins ou larves ...ce qui n'est pas toujours évident. Par manque d’espace, ces tout petits animaux se frottent l’un à l’autre, le mucus de protection (anti-bactérien naturel qui recouvre leurs écailles ou carapace) s’amoindrit, finit par disparaître et laisse la porte grand ouverte aux infections ! Mais il y a également un autre facteur responsable de ces hautes densités insensées: le souci de maximiser la rentabilité ...chercher à produire toujours plus ...obtenir plus de bébés pour la vente. De fait, on a souvent tendance à vanter les densités maximales auxquelles on travaille ...pour impressionner, obtenir un meilleur résultat, atteindre une meilleure performance ...qui se traduirait en principe par une hausse de rentrées !

     Le tout est de ne pas se laisser influencer par l’appât du gain et de ne se restreindre qu’à des normes plus naturelles, mieux adaptées, moins sujettes à de possibles incidents de parcours ...en d'autres termes propices au bon équilibre des animaux dans leur environnement.

     Ne vaut-t’il pas mieux penser un peu plus à toutes ces substances toxiques que l’on déverse sans aucune considération et impunément dans notre belle nature ? Sachez que les stations d'épurations3 classiques (autre domaine technologique très intéressant) ne parviennent plus à éliminer tous ces produits chimiques ...tous dérivés de l'industrie pharmaceutique/vétérinaire. Ainsi, on assiste à long terme à l’effondrement des équilibres naturels avec parfois des anomalies chez les poissons, des mutations ou des dommages irréversibles sur certains processus vitaux dans un environnement aquatique fragilisé !

     On pourrait donc éviter l'emploi d'antibiotiques, vert de Malachite (interdit dans les élevages aquatiques, car cancérigène), réducteurs d’oxygène et autres du genre, en baissant fortement en premier lieu la densité dans les tanks ou bassins de reproduction. Cette méthode simple, non radicale et totalement inoffensive pourraient se révéler tout aussi effective4 !

     De plus, on peut aussi chercher à maintenir une eau de bonne qualité (sans pathogènes), possédant de bons ions ou éléments (sans ammoniaque, nitrites, métaux lourds, etc.), aux propriétés avantageuses (nutriments pouvant servir au bon développement des animaux et à leur vivacité) et avec une bonne oxygénation (vitale pour leur respiration et nécessaire à leur métabolisme). Pour cela, il faut évidemment avoir l’équipement d'observation adéquat et les connaissances (bio-)chimiques pour pouvoir évaluer ces variations en concentration.

     Prenez le cas de certains poissons: la plupart du temps, on ne fait que les aider à « mûrir » (gonades prêtes à émettre des œufs) en leurs imposant par exemple un photopériodisme5 dirigé. Ou encore on les aide par une injection d'extrait pituitaire de poisson ou de gonadotrophine chorionique humaine (HCG). Dans ces derniers cas, il s'agit d'hormones stimulatrices que l’on trouve, pour le premier dans le lobe antérieur de l’hypophyse d’autres poissons, pour le second dans l’urine de femme enceinte ...qui sont toutes des produits naturels. Il est bien sûr important de savoir quand doit-on agir (moment propice), comment faut-il procéder (technique à utiliser) et combien faut-il appliquer (dose par unité de poids corporel). Il y a des connaissance à obtenir, des observations à développer, de bonnes pratiques à acquérir ...et c’est là qu’intervient le "bon" biologiste et l’expérience du praticien !

On met ensuite les œufs fécondés dans une bouteille de Zoug6 ou dans un tank profilé pour la circonstance afin de mieux les protéger de tout danger extérieur et pour faciliter le nettoyage journalier.

     Avec les crustacés, c’est un peu plus compliqué. Par exemple dans le cas des crevettes d’eau marine (océan; Penaeus spp.), il faut d’abord baisser progressivement la salinité de l’eau. Dans le cas des crevettes géantes d’eau douce (comme la chevrette ou Macrobrachium spp.), il faut par contre la monter par paliers. Ces pratiques ne font que mimer les lieux de reproduction qui a lieu dans les estuaires où l’eau est saumâtre (mélange d’eaux salée et douce). A la fin du cycle du développement larvaire, on fait le contraire ...on remonte régulièrement la salinité d’un côté pour atteindre celle de la mer, ou on l’abaisse graduellement pour retrouver l'eau douce. On contrôle ces concentrations de sel dans l’eau par l’usage d’un réfractomètre7. Encore une fois, il s’agit d’un processus physique qui a lieu dans la nature.

     Vous avez certainement entendu parler des saumons et des anguilles qui migrent pour se reproduire. Les premiers vivent en mer, puis remontent certaines rivières; les secondes font le contraire. Puis, ces animaux meurent ou refont le voyage contraire. Ainsi, ces animaux aquatiques s’adaptent physiologiquement à l’environnement dans lequel ils se trouvent ...influencé par la salinité, la pression, le pH, le type d'alimentation, etc. Cela induit ainsi des effets sur leurs comportements à vouloir et pouvoir se reproduire.

     Mais revenons à nos fameuses crevettes subtropicales. Il faut ensuite pouvoir produire plusieurs types d’aliment ...bien spécifiques ...correspondant aux besoins nutritifs des larves (il y a des tables de références pour cela). Encore une fois, c’est dans la mer qu’on trouve les premières souches de micro-algues et on récolte sur certaines plages les kystes de micro-crustacés ...qui serviront à alimenter les bébés de ces macro-crustacés. Les cellules de ces micro-algues (comme Isochrysis, Tetraselmis, Dunaliella, Chaetoceros, Skeletonema) sont aussi caractérisées par leurs dimensions individuelles (parfois d'à peine quelques microns8, d'autres de quelques dizaines de µm) pour qu’elles puissent être ingérées par une bouche fort petite (parfois bien inférieure au millimètre). Au fur et à mesure, on peut donner des cellules plus grandes ...lorsque la bouche de nos bébés devient plus grande. Mais cela reste des algues naturelles, même si la façon de les cultiver est différente: elle se fait toujours avec des minéraux comme terreau (amendement) et de la lumière pour former la chlorophylle (le vert) !

     Dans le cas des huîtres, on joue sur la température de l'eau pour stimuler un développement reproductif. Ici aussi, on ne fait qu’imiter les saisons et le changement de température de l’eau de mer ...son environnement. Lorsque les eaux se réchauffent, l’huître capte ces moindres changements ...qui agissent sur sa physiologie ...et conditionnent certains organes spécifiques comme les gonades.

 

Alors venir me dire qu’on bannit toute forme d’écloserie est une véritable aberration en soi ...si toutefois les pratiques sont saines ! L’important est de vérifier justement ces bonnes pratiques et l'hygiène pour l’obtention d’alevins dans le cas des poissons, de post-larves pour les crustacés ou de naissain en ce qui concerne les huîtres (mollusques/bivalves).

 

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1 Comme le stress physiologique et le manque d'appétit.

2 Ensemble des moyens destinés à prévenir l'apparition, la propagation ou l'aggravation des maladies.

3 Recyclant les eaux usées, notamment pour l'irrigation agricole ou le rejet dans des cours d'eau.

4 Actuellement, de plus en plus de résultats en recherche médicale ont tendance à émettre de sérieuses réserves sur l'usage des antibiotiques chez l'humain (effets comparatifs entre des individus testés versus d'autres/contrôle recevant un placebo). En effet, ils détruiraient plus de choses qu'ils n'en guériraient ! Cela va même jusqu'à montrer que l'usage de certaines plantes serait bien plus avantageux que la prise d'antibiotiques ...pour l'absence totale d'effets secondaires. Mais ceci ne convient pas du tout à une industrie pharmaceutique toujours aussi avide de rentrées ...qui prétend devoir vendre pour survivre ! A ce propos, lisez entre autres "Un empoisonnement universel. Comment les produits chimiques ont envahi la planète" de Fabrice Nicolino (éd. Les liens qui libèrent/LLL, 430 pages) ...même si en soi la chimie est une science merveilleuse (je suis le premier à le reconnaître) ...qui a énormément contribué dans bien des secteurs !

5 Rapport entre la durée du jour et de la nuit (en jouant sur la quantité d’heures de luminosité par jour pour agir sur certains processus biologiques, notamment l'entrée en reproduction).

6 Sorte de grand entonnoir servant à recevoir les œufs pour leur éclosion (entrée de l'eau/air par la partie inférieure, afin de maintenir doucement les larves en suspension jusqu'au moment où elles sont capables de se déplacer toute seule; elles tombent alors par la partie supérieure de l'entonnoir dans un tank de réception ...plus spacieux ...pour continuer son développement).

7 Ou un salinomètre (sorte de flotteur avec graduations). Plus précis, le réfractomètre permet de contrôler l’indice de réfraction de la lumière dans l'eau afin de déterminer la composition du mélange.

8 Unité de longueur représentant le micromètre [µm ou 10−6 M (0,000 001) ou encore 10−3 mm (0,001)]

1 commentaire

#1  - louis a dit :

Bonjour.

C'est déjà une bonne chose de raisonner les producteurs mais de nos jours, en disposant de telles infrastructures il est bien naïf de croire qu'avec les politiques et marchés actuels "les pratiques saines" puissent être la norme.

Le problème peut être pris d'un autre angle en tant que consommateur:

Manger bien moins d'animaux au jour le jour résoudrais une grosse partie du problème puisque l'offre s'aligne à la demande.

Mais ça c'est une affaire culturelle et d'éducation.

Cordialement.

Louis

Quelle est le cinquième caractère du mot kx0i59 ?

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