Saveurs inhabituelles chez certains poissons et crustacés

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Nutrition, Poisson Mots clés : aucun

     Il arrive parfois qu’on puisse être déçu par l’un ou l’autre poisson servi à table. Ceci n’est pas seulement dû à son espèce, mais également à l’odeur et/ou la saveur qu’il en dégage après cuisson.

     Généralement, cela provient d'une des quatre sources suivantes:

  1. Animal provenant d’un élevage alimenté par concentrés industriels;

  2. Animal insuffisamment dégorgé;

  3. Animal issu d’un étang où certaines micro-algues produisent des géosmines;

  4. Animal contaminé par un ou plusieurs polluants industriels.

     Dans le premier cas (1), il n'est pas rare de faire pareille constatation lorsque l'élevage reçoit des aliments artificiels provenant de l'industrie. En effet, ce que l’on met dans la bouche a des répercussions plus loin dans le système digestif, tissus cellulaires, etc. ...la santé en général. Cela est vrai pour nous humains, comme ce l’est pour tous les animaux. Ainsi, lorsque vous donnez des « pellets » ou granulés à vos poissons/crustacés (même pour ceux qui se disent « bio »), vous leurs donnez en réalité des farines végétales (surtout) et animales (en moindre quantité, car coûteuses) qui tiennent ensemble au moyen d’une colle d’amidon de blé (régions tempérées) ou riz (régions tropicales). Par conséquent lorsque votre animal croque un granulé, dans un environnement aqueux, ce granulé fond dans sa bouche et l’animal ne fournit plus de gros efforts de « broyage ». C’est là toute la différence avec l’élevage « naturel » (comme sur notre ferme) : chez nous, l’animal doit se battre dans l'étang pour attraper ses proies vivantes et les ingurgiter, et par ce biais il fait travailler pleinement sa musculature ...d’où la « fermeté » de sa chair. Mais de plus, il est bien connu que s’il s’alimente de farines industrielles, le poisson aura tendance à acquérir un goût plus « farineux » !

     Dans la seconde situation (2), il s’agit d’une faute technique, car il est très facile d’y remédier. Lors de la récolte en étang, les poissons/gambas peuvent se débattre dans le filet et avaler beaucoup de boue (surtout au bord de l’étang d’où on les sort). Par conséquent, il est important - AVANT de les tuer - de les « dégorger » correctement. Pour réaliser cette très simple opération, il suffit de mettre ces animaux (encore vivants) dans de l’eau claire (propre), de préférence courante (qui peut donc se renouveler). Ainsi, ils parviendront à expulser la boue qu’ils ont pu avaler par la bouche et les branchies, et seront même stimulés à évacuer leur tract digestif (en tout cas, expulser une grosse partie du « pellet1 » fécal qui trône dans leur intestin).

     Avez-vous déjà remarqué que certaines crevettes doivent être "dénervées" ...en fait « éviscérées » ? Une fois, la carapace quittée, il y a parfois une ligne obscure qui coure tout le long de son dos (l' "abdomen") : ce que vous voyez n’est autre que l’intestin du crustacé. Le contenu de cet intestin influence souvent la saveur délicate de notre belle crevette ! Chez le poisson, c’est exactement le même processus ...à la différence près que l’intestin situé dans les entrailles ...ne peut se voir de l’extérieur. Donc, il faut lui ôter l’intérieur de la cavité stomacale ! Mais en dégorgeant l’animal (en moyenne 2 à 24h, selon la taille et l’espèce), son intestin devient transparent ...par évacuation des matières fécales. Après avoir été dégorgés, tous ces animaux sont ainsi plus propres à la consommation.

     Il est à noter que dans le commerce, on peut trouver de petits appareils très simples (et peu chers) pour à la fois peler et dé-veiner (éviscérer) les gambas ! Nous tâcherons de vous en procurer.

     Dans le troisième contexte (3), les poissons ont été pêchés dans un étang où la concentration en certaines micro-algues peut occasionner quelques surprises. Tout animal (l’espèce humaine incluse) a des facultés d’adaptation, mais son environnement lui transmet inévitablement des particules qu’il respirera, mangera, absorbera ou emmagasinera par inadvertance. Par conséquent, certaines odeurs d’ « off-flavours2 » et de « géosmines3 », ou des saveurs de décomposition végétale peuvent parfois apparaître ...surtout lorsqu'il s'agit d’élevage intensif (ce qui n’est certainement pas le cas de notre exploitation). Ces saveurs fort désagréables peuvent parfaitement inhiber le consommateur ...qui par la suite boycottera le produit !

     Des études4 ont bien révélé des odeurs produites par des algues et des actinomycètes dans certains étangs où étaient élevés commercialement des poissons. Cette incidence apparaît indépendamment des saisons, de la localisation, de la densité des animaux ou des concentrations d’algues. Des études complémentaires en aquarium ont également confirmé l’influence de ces particules indésirables dans le tract digestif de poissons. En dégorgeant correctement ces animaux, ceux-ci peuvent retrouver une grande partie de leur saveur originale.

     Pendant plusieurs années, l’un de nous a fait partie d’un panel d’examinateurs pour la reconnaissance organoleptique de ces odeurs et saveurs particulières (traduction d'une décomposition ...la plupart du temps naturelle). Ainsi, le team estimait le degré d’imprégnation de ces « géosmines » dans la chair de catfish5 (poisson-chat). Ce poisson était particulièrement sensible à son environnement, car avec ses barbillons il remuait constamment le fond des étangs (un peu comme les mulets dans nos canaux Charentais). Il y avait des tests concernant l’aspect visuel (texture de la chair du poisson), l'odorat (humer juste après sa cuisson) et les saveurs (dégustation) non souhaitables ...parfois répulsives.

La photo d'introduction du présent article vous donne une petite idée du genre de tests menés dans ces panels d'évaluation organoleptique.

     Enfin, une quatrième circonstance (4) peut se présenter dû aux effets résiduels de certaines substances chimiques provenant de l'industrie : il s’agit souvent de zones de pêches contaminées par une décharge de déchets qui peut engendrer une contamination toxique de métaux ! C’est également le cas de traces de plomb, mercure et même matières radio-actives, comme l’uranium, détectées dans des zones de décharges illégales de déchets en mer.

     Lors de notre longue prospection (concernant la recherche en 2003 d’un site approprié pour établir notre activité familiale), nous avions visité les étangs d’un ami portugais au sud de Lisbonne. A l'époque, il produisait des daurades et du loup (bars). Un soir, il nous servit du poisson de son exploitation et nous avions perçu très rapidement un goût inhabituel. 24H plus tard en nous promenant entre ses étangs, nous respirions par moments de l'air visiblement pollués provenant d’une usine environnante. Cette dernière avait de très hautes cheminées d’où sortait une épaisse fumée rousse-brune (aucune exagération) qui - par le truchement des vents dominants - se rabattait sur ces étangs. Ainsi par osmose à la surface de l’eau, les contaminants devaient intégrer le milieu aquatique et des nanoparticules non-souhaitables étaient enfin mises au contact des poissons !

Nous avons communiqué diplomatiquement ce détail à notre ami, mais vous comprenez que nous ne pouvions le lui reprocher !

     Maintenant, vous devinez pourquoi lors d'une prospection, il est très important de bien sélectionner son emplacement de production ...afin de ne point faire face à un environnement parfois hostile ou pouvant souffrir d'une éventuelle contamination industrielle (trop souvent aux mains de gros lobbies économiques). Il en va de la qualité même de vos produits qui seront mis sur le marché !

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1 Ressemblant au haché sortant d'un hachoir à viande en acier inoxydable (grilles de différents calibres).

2 Sorte de composés désagréables possédant un arrière goût de type terreux-moisi.

3 Composé organique secrété par des actinobactéries et cyanobactéries (procaryotes, également appelées « algues bleues ») lors de l'émission de leurs spores, ayant une odeur de terre mouillée-champignon-pourri.

4 Réf. "Flavour problems in fish culture", Richard Tom LOVELL, Dept. of Fisheries and Allied Aquacultures, Auburn University, USA, 1976.

5 Silure Ictalurus punctatus élevé massivement dans les états du sud des USA (principalement, Alabama, Mississippi, Missouri et Tennessee). Ce poisson d'eau douce fait l’objet d’une attention particulière, car il s'agit de l'espèce utilisée dans tous les FISH burgers distribués par une importante chaîne de distribution commerciale (équivalent à nos HAM burgers chez McDonald).

Quelle est le troisième caractère du mot 3eja1 ?

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