I. Communication hors-ligne

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Introduction, motivation et obtention des postlarves de gambas

     Merci à vous, Didier et autres lecteurs, qui prenez du temps pour découvrir les articles que nous publions dans la section "Journal" du site d'AQUIDEAS.

     Il nous arrive parfois de nous demander si cela sert à quelque chose d'encore "écrire" à notre époque ...où il n'y a plus que la facilité du virtuel du numérisable qui compte ! Le lecteur gastronome se désintéresserait-il de l'écriture en ne faisant confiance qu'à ses papilles !?

     Heureusement, nous constatons malgré tout que tel n'est pas le cas ! Des habitués sur nos points de ventes nous le font savoir verbalement lors d'une conversation, d'autres prennent le temps d'écrire ...et nous les en remercions.

     Cela prend évidemment du temps pour coucher sur papier nos expériences et affirmations qui obligent une constante remise en question (de notre part) sur les acquis, actualisations et éventuelles hésitations que l'on pourrait avoir ...car on perd aussi un peu la mémoire au fur et à mesure que la vie avance !

     Mais il est grand temps, après près de ...70 balais, de rendre un peu de nos connaissances à ceux qui souhaitent en savoir plus. Nos messages s'adressent en priorité aux plus jeunes, formateurs et enseignants de pêches et aquacultures, nouveaux entrepreneurs et professionnels de ces secteurs (mais bien d'autres domaines sont également concernés) et plus âgés qui restent souvent très curieux par nature. Parce que, pour nous, la curiosité est avant tout une qualité et non un "défaut" ...si bien sûr elle n'est pas malsaine ! Sans "curiosité" il est même difficile de s'améliorer... ou tout simplement devenir bon dans un milieu qui fascine.

     Ainsi, la chance d'avoir pu se former (études, formations, stages) et se faire une expérience dans ce monde aquatique si particulier (encore faut-il que cette expérience soit réellement positive1) doit également servir à guider, du moins conseiller, tous ceux qui débutent leur carrière: soutien et information ont en effet un impact dans bien des cas !

     Toutefois, nos articles n'ont pas voulu s'orienter vers du trop académique, non pas que nous ne les apprécions pas à leur juste valeur, mais notre longue observation dans l'écriture purement scientifique (universités, revues internationales, magazines couvrant la recherche) est parfois plus difficile à déchiffrer et pas toujours pertinente quant à nos pratiques sur le terrain (malheureusement, les politiques institutionnelles imposent souvent à leur communauté scientifique une quantité minimum de publications ...qui débouche sur énormément de gaspillage en matière de ressources2) !

     Donc, nous nous sommes résolument tournés vers la vulgarisation de concepts vécus, qui plus est, d'expériences valorisantes. Car vulgariser signifie "décrire" des phénomènes scientifiques en termes simples, c'est-à-dire compréhensibles, afin que la grande majorité des gens qui n'ont pas eu la chance de recevoir les connaissances basiques en biologie, zoologie et autres sciences connectées, puissent en saisir pleinement le sens.

     Nous essayons ainsi de produire 3 articles par mois et leurs publications ne se font qu'après maintes révisions pour limiter les erreurs de présentation.

     Mais assez "palabré" et sans plus tarder, répondons aux questions judicieuses de Didier en date du 19 mai 2020:

Premier hors ligne - Bonjour, je suis plongé dans votre blog depuis un moment. Incroyable! On ne s'attend pas a ça en visitant un site internet comme le vôtre. Merci pour ce temps et ce talent consacré au partage de votre passion et à la sensibilisation au monde animal et gastronome et... a tous ces sujets que vous abordez! Je me demandais: je comprends que les crevettes ne naissent pas dans vos bassins. D’où viennent-elles alors? Combien de temps doivent elles passer, au minimum, en "affinage" dans vos bassins avant que leur métabolisme ne change (et leur qualité gustative avec)? - Didier

     Comme vous avez dû l'apprendre, l'élevage du Penaeus japonicus (la crevette impériale trouvée en Charente Maritime) est un art qui nous vient tout droit des régions subtropicales: elle fait partie de ces espèces (Penaeus monodon, P. Stylirostris, P. vannamei, P. indicus, etc.) qui vivent naturellement à proximité des tropiques. Par conséquent, ce sont des animaux qui se comportent bien dans des eaux plus chaudes (autour de 28-32°C).

     Si on trouve la P. japonicus en Charente Maritime (environ 20 fermes), Vendée (1 élevage) et dans le Médoc (2 exploitations), c'est qu'elle a été sélectionnée pour sa tolérance à des températures plus basses que celles auxquelles elle est habituée en temps normal. C'est la raison pour laquelle nous parvenons à la faire grossir uniquement en été, lorsque les températures sont beaucoup plus élevées. A ce moment, l'eau dans les étangs peut atteindre les 24-26°C. Mais lorsque la température baisse à 12-13°C, comme en automne c'est-à-dire vers octobre-novembre, nos crevettes cherchent désespérément plus de chaleur et s'enfoncent dans la vase du fond des étangs (ou "claires") ...en espérant que la température puisse rapidement remonter avec un peu de soleil. Néanmoins, elle ne survit jamais en-dessous de 8-11°C et sert alors d'engrais pour les sols dans le fond des étangs (mais cela reste tout de même un amendement fort coûteux, comparé aux gains générés par la vente de gambas "vivantes").

     Par contre pour assurer la reproduction de ces mêmes crevettes, il faut impérativement un environnement plus chaud (entre 25-30°C). Par conséquent, on conditionne les reproducteurs dans des tanks ou petits bassins isolés, par exemple sous serres. Pour chauffer l'eau de mer, on immerge un circuit de tuyaux dans lesquels on fait circuler de l'eau douce pré-chauffée au moyen de gaz ou diesel. De cette manière, on parvient à assurer la stabilité des températures pour pallier aux caprices climatiques et chutes de températures durant la nuit en région tempérée.

     Nous avons appris (AQUIDEAS) à reproduire nos propres reproducteurs lorsque nous étions en régions tropicales. Aux températures de Marennes (étés suffisamment chauds), nous avons déjà réussi l'obtention de PLs (post-larves), mais ...hélas ...en trop petites quantités pour nos besoins. La méthode était entièrement naturelle, sans toucher aux techniques qui affectent les glandes hormonales inhibitrices localisées sur le pédoncule oculaire (sous l’œil) !

     Toutefois pour passer à la vitesse supérieure, il nous fallait une infrastructure plus complexe, une écloserie isolée (afin d'éviter les contaminations), plus complète et un peu plus espacée. Il fallait aussi cultiver plusieurs microalgues aux spectres bien particuliers et dans des unités séparées (pour éviter l'effondrement de leurs souches). Enfin pour cette activité supplémentaire, nous devions aussi être disponibles plusieurs heures...et ce ...tous les jours (week-end inclus). Donc, il fallait faire un investissement ...sans compter cette charge de travail pour mener à bien l'opération chaque année. Donc pour la rentabilité de notre exploitation, nous avons préféré nous reposer sur une écloserie déjà établie et nous dédier à la seule phase de grossissement.

     Entre 2005 et 2016, nous nous sommes donc fournis chaque année à la seule écloserie disponible dans le pays ...située à Port Leucate (du côté de Narbonne, sur la Méditerranée). Mais, ce n'était pas à la porte, car l'aller-retour faisait 1.200 Km (+ frais de déplacement). Depuis 2017, une nouvelle écloserie s'est installée à 10 Km à peine de Marennes grâce à un jeune très dynamique ...et donc, nous n'avons pas hésité, car le service s'est avéré encore meilleur !

     Ainsi pour passer les 12 ou 14 stades larvaires chez les crevettes du genre Pénéidé, il faut pouvoir contrôler non seulement la température, mais également la survie (c'est-à-dire limiter la mortalité), car certains stades sont vraiment plus délicats que d'autres. Donc, de bonnes pratiques passent obligatoirement par le contrôle de plusieurs facteurs. Quelques-uns ont à voir avec la provenance génétique, l'alimentation spécifique (grandeur de la bouche, besoins nutritifs du stade larvaire, caractéristiques des micro-algues), la salinité, l'oxygénation, les concentrations d'ammoniaque (NH3) et de nitrites (NO2-) dans l'eau et encore bien d'autres paramètres. L'approche à ce difficile équilibre est ici trop long à développer, mais elle fait partie de l'expérience sur le terrain. En fait, il faut observer au binoculaire l'évolution (apparition) de certains organes chez la larve de crevette, notamment en relation avec le développement de son système digestif. En effet, la "glande digestive" (ou hépatopancréas) est soit totalement absente, en développement ou non encore pleinement opérative.

     Une fois que la petite crevette passe au stade de post-larve (PL), elle commence à se déplacer, devient plus agile et est capable d'être plus efficace pour chasser/attraper ses proies. Son alimentation devient ainsi rapidement beaucoup plus variée.

     Quinze à trente jours après le passage à PL (appelées aussi PL15, ...PL21, ...PL27, ...PL30), nous allons les chercher à l'écloserie et transférons des dizaines/centaines de milliers de petites crevettes dans nos étangs. C'est à partir de ce moment qu'elles grandissent très rapidement. Mais ici, tout dépend de la richesse de la faune dans l'eau de mer de nos étangs ...d'où l'importance du terroir sur lequel sont creusés les étangs et les pratiques d'élevage pour engraisser les crustacés.

     Si les conditions sont propices, elles passeront de quelques dizaines de mg (bien moins du milligramme) à 20-25g (c'est-à-dire 50 à 40 animaux/Kg ...en termes de commerçant) en seulement 3 mois.... Tout dépendra de la température et de la richesse de l'eau (comme nous venons de le voir plus haut). Certaines d'entre elles peuvent même atteindre 50g, soient 20 animaux/Kg !!!

     Petit détail - Pour les gambas en étangs, on ne parle jamais d' "affinage" (comme chez les huîtres en claires), mais bien de grossissement ou d'engraissement.

     Enfin, la texture de la chair de ces gambas sera directement liée aux aliments qui sont ingérés. Si vous donnez des granulés (normaux ou "bio"), le goût en sera grandement influencé. Par contre, si vous imposez à vos crevettes de ne se suffire qu'avec ce qui peut leurs être utile, naturel et disponible dans l'étang, vous changer la donne ! C'est là qu'intervient la notion d'équilibre entre nature et quantité d'animaux à entretenir (densités acceptables): au bout de plusieurs mois, elles auront pris toute la saveur du terroir ! De plus, comme ces crevettes sont obligées de se bouger et de faire beaucoup d'exercices pour attraper leurs proies (petits vers rouges, micro-crustacés, etc.), elles font travailler leur musculature et deviennent beaucoup plus fermes que toutes celles qui reçoivent des aliments artificiels externes (granulés/concentrés industriels, inclus ceux qui se disent ..."bio"). Et je peux vous assurer que la clientèle gastronome est parfaitement capable de faire la différence d'un point de vue organoleptique !!!

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1 Il faut apprendre à discerner lorsqu'on vous dit "...on a l'expérience !". En effet, une vie peut être remplie d'expériences négatives, fort peu intéressantes, d'erreurs non corrigées et de pratiques compliquées ...qui permettent péniblement de progresser. On dit souvent que pour faire un bon artisan, il faut avoir eu un bon maître ! Le tout est de détecter assez rapidement qui peut vous donner des arguments valables pour construire votre propre trajectoire. Ceci est vrai aussi bien dans le métier que vous avez choisi que dans votre vie privée.

2 Plusieurs auteurs auraient prononcé la citation qui suit (Radio France; Canard Enchaîné; slogan en 68; humoriste français Pierre Dac; écrivain de Polars/Thrillers Franck Thilliez; homme d’état français Charles de Gaulle ...même si on n'en est pas du tout certain, car la politique de ce dernier a mis massivement des fonds au service de la recherche): "des chercheurs qui cherchent on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent on en cherche". Toutefois, cette citation est généralement mal interprétée étant donné qu'il y a beaucoup de raisons à cette ...réalité: manque de moyens financiers, ou matériels obsolète (dépassé) voir inappropriés, plan de recherche mal établi ou absence d'idées (plus grave) ou encore défaut de volonté politique. Et puis, le résultat d'une trouvaille se fait grâce à des données obtenues par un grand nombre de chercheurs. Même des résultats "négatifs" (non concluants) peuvent s'avérer intéressants dans leur globalité ! Il faut en effet reconnaître que la plupart des succès industriels se sont basés sur des idées lumineuses découvertes essentiellement par la recherche fondamentale ou appliquée. Voyez certains pays comme la République Populaire de Chine et l'Inde qui investissent massivement actuellement dans la recherche.

Quelle est le troisième caractère du mot pdwulb ?

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