Les huîtres perlières

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     Avez-vous entendu parler de l’Île de Mikimoto au Japon ?

     Celle-ci est située près de Chôme, non loin de la ville de Toba, dans la préfecture de Mie, au sud-est de Nara (première capitale du Japon). En 1982, je me suis rendu dans ce pays de l'autre côté de la terre, pour découvrir des pratiques aquacoles fort spéciales dans lesquelles les japonais excellent.

     Grâce à l'ambassade et après 5h de voyage en train "boulet" (appelé là-bas "Shinkansen" ...réputé pour sa grande vitesse), j'ai eu le privilège de pouvoir à la fois apprécier une très belle région et visiter une toute petite île d'où est parti la belle aventure des précieuses huîtres perlières.

Son histoire

     C'est au début de la trentaine, que Kokichi Mikimoto (1858-1954) décida de prospecter la façon de créer des perles. Comme d'autres amoureux de la mer, il avait en effet observé que des bivalves (mollusques marins) contenaient parfois un ou plusieurs petits corps étrangers qui avec le temps se recouvraient de nacre pour former de belles perles. Celles-ci pouvait prendre plusieurs formes, notamment celle d'une goutte d'eau ou d'une larme humaine.

     Toutefois à ses débuts, l'entreprise ne fût pas aisée et il dut affronter beaucoup d'obstacles pour voir enfin son rêve se réaliser. Nous étions alors à la mi-1893 lorsqu'il débuta sur son île la première production de perles de culture. Depuis, l'Île de Mikimoto est devenu un véritable musée vivant qui attire des gens du monde entier. Les visiteurs peuvent ainsi recevoir des explications sur l'obtention, développement et triage de ces célèbres gemmes.

     Aujourd'hui un peu délaissées, les perles restent néanmoins un gage d'élégance et de richesse. Car pour s'en procurer (des vraies, évidemment), vous aurez à débourser une coquette somme !

     Actuellement, une des aires les plus à la pointe de l'aquaculture d'huîtres perlières est située aux alentours de la ville de Misho sur l'Île de Shikuko (au sud du Japon), située entre la mer intérieure et l'Océan Pacifique.

Sa culture

     Naturellement, la perle n'est que le résultat de l'introduction inopinée d'un corps étranger dans le bivalve. Cela peut être un grain de sable ou un fragment de coquillage pouvant se retrouver accidentellement dans une huître ou une moule. Ce corps étranger est rapidement entouré de nacre pour former ce que les femmes portent volontiers afin d'attirer tous les regards.

     Mais l'huître qui se dit "perlière" est un bivalve qui produit beaucoup plus de nacre que toutes celles que nous consommons ...comme la "plate" (Ostrea édulis) et la "creuse" (Crassostrea gigas) qui sont des espèces produisant essentiellement de la chair. Il s'agit plus spécifiquement du genre Pinctada dans lequel on trouve P. fucata, P. margaritifera, P. maxima et quelques autres espèces. La P. fucata ressemblent à une plate, tandis que les P. margarita et maxima ont des coquilles beaucoup plus imposantes (grandes/grosses et bombées). Mais les deux dernières espèces sont les seules à avoir dans la composition de leur calcaire (= la calcite des coquilles) l'aragonite (= carbonate de calcium ou CaCO3) ...qui formera ultérieurement la nacre à l'intérieur des coquilles.

     Tous ces bivalves vivent depuis l'ère tertiaire, c'est-à-dire autour de 20 à 30 millions d'années.

     Mais dans leurs collectes, il ne faut pas oublier de mentionner la collaboration courageuse de femmes-plongeuses qui ont sans aucun doute joué un rôle capital au début pour pouvoir établir la technique.

     Ici deux étapes sont nécessaires pour l'obtention de perles:

(1) La première consiste à récolter et faire croître des huîtres sur des "longlines" (filières/lignes flottantes) en mer profonde non loin de la côte (photos ci-après).

     En fin de grossissement, elles sont maintenues dans des filets verticaux (photo qui suit).

     Cette étape durent généralement 2-3 années;

(2) En seconde phase, on sélectionne les meilleures huîtres qui sont envoyées à de petits laboratoires flottants non loin de leurs lieux d'élevage. Comme on les maintient verticalement dans des caissons d'eau de mer, elles continuent à s'ouvrir pour filtrer (photos ci-dessous). On introduit alors une cale entre les valves pour maintenir une ouverture de travail et on introduit un nucléus (sorte de petite bille) dans ses gonades (appareil reproductif). Ce nucléus est généralement un support1 sphérique artificiel dont le diamètre peut varie entre 3 mm et 1,5 cm, selon la grandeur finale souhaitée (petites ou grosses perles).

     Sur ce support, on y dépose par la suite un morceau du manteau générateur2 de nacre provenant d'une autre huître donneuse. Cette dernière est choisie en fonction des caractéristiques de sa nacre et le tissu cellulaire du manteau aura été maintenu vivant au moyen d'un sérum physiologique3. La nacre envahira par la suite la surface de la bille. Éventuellement, plusieurs nucleus peuvent être introduits dans l'huître porteuse, si leurs diamètres sont relativement petits. Puis, on les remets en mer, suspendues individuellement et verticalement dans des filets accrochés aux "longlines".

     Seulement, 50% de ces huîtres survivront au stress de la manipulation. Douze à quatorze mois plus tard, on les récoltera pour en sortir une sélection de perles présentant les meilleures caractéristiques qui permettront de les mettre sur le marché.

     Il y a cependant quelques problèmes liés à sa culture, notamment de pouvoir obtenir suffisamment d'huîtres à inoculer, étant donné qu'il y a toujours un gros pourcentage de mortalité. Ceci est dû soit à une cause naturelle, soit (et surtout) au rejet des perturbations occasionnées par la manipulation. De nos jours, on assiste aussi à de plus en plus de pollution dans les océans à cause d'autres activités de proximité sur les lieux d'élevage. On observe ainsi l'impact des eaux usées et des élevages de poissons en cages (comme le Yellowtail au Japon) qui pénalisent hautement la production perlière en région côtière.

Son commerce et sa valeur

     De nos jours, la culture des perles n'est plus la propriété unique du pays de l'Extrême-Orient. Beaucoup de perles de culture sont aussi produites maintenant en Australie, Corée du Sud, Philippines, Hong Kong, Malaisie, Thaïlande, Birmanie, Inde et Polynésie française (plus précisément dans l'archipel des Tuamotu-Gambier où l'on produit la perle "noire", dite de Tahiti).

     Ici aussi, il y a quelques restrictions les à sa commercialisation: tout d'abord, la mise sur le marché mondial et la fixation des prix sont encore trop souvent imposées par d'importants syndicats japonais. Mais dans d'autres pays, les éleveurs parviennent de plus en plus à s'en affranchir et c'est la concurrence qui décide principalement de l'orientation à choisir.

     De plus, cette activité lucrative éprouve parfois des difficultés à trouver des débouchés nouveaux.

     Enfin, plus la perle est grosse, plus elle prend de la valeur. Le coût d'une perle varie également en fonction de sa couleur, brillance (parfois appelée "orient"), douceur, forme, pureté et quelques critères supplémentaires. Même si certains de ces facteurs sont relativement subjectifs, ils n'en sont pas moins déterminants pour influencer leur prix ! La vraie perle grimpe vite à une centaine d'euros (...oui, l'unité) ...et peut facilement dépasser les ...mille euros s'il s'agit d'un collier élaboré sur place résultant d'un travail artisanal !

Ses symboles, croyances et anecdotes

     D'antan, beaucoup de mythes concernant les perles entretenaient la convoitise de beaucoup d'hommes pour les acquérir afin d'attirer la faveur des femmes. Ainsi lorsque la collecte se faisait encore naturellement (nombreuses plongées pour découvrir des huîtres qui parfois contenait plusieurs perles), beaucoup de stocks ont été ainsi anéantis ne laissant aucune chance pour pouvoir se reconstituer.

     Dans l'antiquité, on a aussi attribué aux huîtres des pouvoirs surnaturels ou des propriétés fictives ...pur fruit de l'imagination ! Les perles représentaient la pureté, le charme et l'élégance ...des femmes, vierges, déesses. Elles apparaissaient souvent en forme de gouttes ...tombée du ciel ayant une aura divine. D'autres pensaient qu'elles se formaient sous l'influence de la lumière, notamment de la lune, du tonnerre ou encore d'autres forces inexpliquées comme le feu. Les grecs associaient même ces gemmes brillantes à des divinités comme Aphrodite, la déesse de l'amour et de la beauté parfaite ...qu'ils tenaient en très haute estime ! La mer, les écumes, des gouttes d'eau, quelques larmes de dieux ...tout cela leurs inspirait provenance et origine des perles4.

     Des religions se sont même appropriées des perles pour les mettre à l'honneur. Ainsi, on les retrouve dans de très vieux textes sacrés hindous, dans l'iconographie bouddhiste chinoise, dans la symbolisation de quelques cultes gréco-romains et dans la vertu de chasteté chez les premiers chrétiens.

     Vers la fin de la période médiévale, des peintres d'occident ont exprimé des sentiments profonds envers Vénus (Aphrodite pour les Grecs). Parmi eux, notons l'italien Botticelli (1485) qui produisit le célèbre tableau "La naissance de Vénus" (exposé à la galerie des Offices à Florence) qui représente sa naissance ...sortant d'un grand coquillage !

     Mais la perle a aussi été associée au plaisir sexuel, comme symbole de la divine plénitude sexuelle afin d'être toujours accompagné d'une belle femme. À l'époque victorienne, comme représentation de l'amour, la perle était un symbole du clitoris, rappelant la porte perlière d'Aphrodite (Vénus pour les Romains).

     De plus, les perles ont été longtemps utilisées, surtout en Asie, à des fins médicinales, notamment pour redonner la vitalité, soigner les maladies oculaires, promouvoir la longévité, améliorer la virilité, solutionner des problèmes de digestion, antidote de poisons, remédier à des troubles gynécologiques, soigner la démence, l’épilepsie et la dépression, etc. ...jusqu'au jour où le raisonnement scientifique a prouvé tout le contraire, la réduisant à un simple matériau de calcaire !

     La découverte de l’Amérique a ouvert de nouvelles sources commerciales pour les perles d’eau de mer et d’eau douce. L’afflux des perles venant du Nouveau Monde et du Golfe Persique au XVIIième et XIXième siècles a entraîné l’engouement pour les perles. Et malgré le nombre de croyances, les perles furent utilisées à cette époque comme des bijoux de luxe d'abord pour la noblesse et les têtes couronnées (rois et reines): on montait de magnifiques perles sur leurs couronnes (référence photo suivante), on en cousait sur leurs habits et les plus grosses étaient montées sur des broches. Il y avait des rivières de perles longues qui pendaient au-de de leur poitrine ! Puis, il y eût la haute bourgeoisie qui s'appropria des perles pour en faire des ornements précieux ou les incorporer à l’habillement, chapeaux, manteaux et chaussures. Partout, on en voyait sur toutes les tenues, comme en témoigne de très nombreuses peintures à cette époque ! Porter des perles était incontestablement un signe de richesse et réussite sociale.

Épilogue

     Le Japon est un pays dont les habitants s'extasient de tout ce que la nature peut leurs offrir: ils se disent faire partie intégrante de cette nature et l'honorent de mille et une façons. Ils savent aussi apprécier ce qu'elle vous donne et trouvent toujours une relation avec la mer comme peu de nations peuvent s'en vanter. On trouve ainsi dans leur gastronomie du poisson crû enrobé d'algues (comme les sushis), des anguilles cuisinées (comme les kamabukos ou Unadons), même des espèces aquatiques venimeuses (comme les Fugus5) ...mais préparées astucieusement pour ne pas ...passer de l'autre côté !

     Les huîtres perlières ne se mangent pas, toutefois ils ont réussi à offrir au monde du luxe un bijou unique...

     Dans leur salle des ventes sur l'Île de Mikimoto, une vendeuse m'avait proposé d'acheter des perles. Ce n'était pourtant pas l'envie qui me manquait ! Mais, j'étais alors parfaitement conscient des risques que j'aurais pu prendre en m'en procurant ne fût-ce qu'une seule: un voyageur "globe-trotter" peut perdre ses effets, n'a pas toujours le loisir de sécuriser ce qu'il emporte ou simplement empêcher une mauvaise rencontre qui vous délesterait de ce que vous avez de plus précieux...

     Mais en voyant devant moi tant de perles exposées, les unes plus belles que les autres, mes yeux brillaient comme si je me trouvais au firmament !!!

Références:

- Documentation technique personnelle.

- https://blog.blueartphoto.fr/divers/perles-larmes-daphrodite/

- http://www.lemanger.fr/index.php/fugu-poisson-mortel/

- https://mabijouteriefaitmain.fr/page/64074-mon-ambition.html

- https://www.gemperles.com/mythes-symboles-perles

- http://www.interpearls.com/A-MYTHES.html

- Les perles des mers du sud: la perle dorée des Philippines, Musée Océanographique de Monaco, 1991.

- Mollusc farming: perfect pearls, Fish Farming International, 1990.

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1 Généralement, on utilise des billes artificielles provenant de coquilles de mollusques d'eau douce ...importées des USA!

2 Une bande de tissu cellulaire génératrice de nacre (2-3 mm de large par 3 cm de long) est prélevée sur une huître âgée de 2-4 ans. Cette couche génératrice est ensuite maintenue dans une solution physiologique dont la composition reste secrète depuis des générations. Ce qui sera inoculé à l'intérieur des gonades n'est autre qu'une petite section de cette bande mesurant à peine 2-3 mm de long. Ces toutes petites sections sont stérilisées pour éviter toute contamination.

3 Sérum physiologique = solution isotonique spécifique permettant le maintient en vie des cellules du manteau des huîtres produisant la nacre.

4 Selon la légende: "Aphrodite, la déesse de l’amour et la beauté, serait issue de l’écume de la mer, qui lors de sa naissance en secouant sa longue chevelure,  aurait jeté des gouttes d’eau dans l’océan devenues perles." (...Vraiment tiré un peu par les cheveux ...ou encore, il y en a qui ont de l'imagination !!!)

5 Les Fucus (dont sont friands les japonais) renferme un poison mortel pour l’homme, la tétradotoxine. Cette neurotoxine puissante bloque le pore des canaux sodium voltage-dépendants, et donc le passage des influx nerveux (paralysie générale de votre musculature, ensuite arrêt respiratoire ou cardiaque). Tout l'art de la cuisine est justement d'éliminer (et surtout de ne pas perforer) les quatre organes suivants qui contiennent du poison: les épines, foie, viscères et gonades. Pour être "chef" dans cette cuisine un peu particulière, il faut être reconnu par ...les autorités nationales !

Quelle est le quatrième caractère du mot f24sv9b ?

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