Réflexion sur les estuaires

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Divers Mots clés : aucun

     L'embouchure des cours d'eaux est souvent une zone privilégiée, car elle est d'abord un endroit important de passage pour les espèces migratoires. Elle est aussi une source abondante de nourriture pour bien des plantes et animaux, car il s'agit d'un éco-système des plus productifs. Mais il reste extrêmement délicat avec de fréquents deséquilibres. L'estuaire est un lieu où converge le lessivage des terres continentales, tout en jouissant d’un nombre de facteurs côtiers spécifiques. C'est un habitat essentiel pour une flore et faune particulières, naturelles et sauvages. Ainsi, une intense activité biologique a lieu dans ce cadre géographique constamment remodelé par de nombreux changements de température, oxygénation, ensoleillement et embruns.

     Les plantes ont toujours été à la base de la chaîne alimentaire et si elles prolifèrent, beaucoup d’organismes du monde animal en profitent et peuvent foisonner. Les poissons omnivores et herbivores peuvent alors se développer. Ceux-ci appâteront à leur tour les poissons carnivores qui attireront d’autres prédateurs supérieurs comme des mammifères et oiseaux. Enfin, ces derniers seront la cible de l’homme.

     Toutefois, trop de matière vivante peut amener en certains lieux des perturbations dans l’eau. C’est notamment le cas de trop fortes concentrations de planctons1 ou d’algues en présence de circonstances maritimes particulières pouvant occasionner un manque aigu d’oxygène dans l’eau. C’est aussi le cas de l'accumulation de résidus non-biodégradables issus de terres en amont pouvant affecter sérieusement les conditions de vie dans l’eau.

     Il est donc souhaitable de trouver un équilibre entre toutes ces variantes afin de créer un biotope approprié où toutes les espèces s’y retrouvent ...sans occasionner des dommages pouvant parfois conduire à des phénomènes irréversibles. Ceci est particulièrement important parce que certaines espèces d'eaux de mer et douce ont un passage obligé dans l'eau saumâtre (mélange d'eau salée avec de l'eau douce), notamment pour assurer leur reproduction.

     Ainsi, certaines espèces doivent converger vers les estuaires pour leurs eaux saumâtres. Tel est le cas des géniteurs de quelques crevettes vivant en mer (eaux salées) et dans les rivières (eaux douces). L’eau où se déroule leurs cycles larvaires doit avoir une concentration en sel tournant autour de 15-20o/oo de chlorure de sodium (NaCl ; soit 15g de sel par litre) pour pouvoir assurer le bon développement de leurs progénitures (c'est la raison pour laquelle, en écloserie, on monte ou baisse la salinité de l'eau selon le stade larvaire et l'espèce à reproduire).

     Généralement, la couleur "verte" prédomine le long du littoral étant donné que ces eaux sont plus chargées en plantes/plancton. Par contre, la couleur "bleue" domine en plein océan à cause de l’absence de nutriments qui sont nécessaires au développement de toutes ces communautés végétales.

     Dans les estuaires, on assiste à un constant mélange d’eaux salée et douce ...ce qui favorise beaucoup de réactions naturelles, importantes et complexes des types biologiques, chimiques, hydrauliques et géologiques.

     De tous ces procédés, l’un des plus importants est le dépôt de matériaux (sédiments) en provenance des terres traversées par le cours d'eau avant d'atteindre son embouchure. Ces dépôts « alluvionnaires » occasionnent toujours l’un des quatre complexes ci-dessus énumérés lorsqu’il y a rencontre entre l'eau douce et l'eau marine. Ces réactions sont aussi à la base de quelques mesures naturelles de protection contre la pollution des océans.

     Par exemple, lorsque des matériaux érodés proviennent des terres, ceux-ci sont réduits en de fines particules qui mélangées aux eaux salées vont créer des réactions chimiques aboutissant à des formes de substances chimiques beaucoup plus stables. Et ces processus fonctionnent bien mieux (réactions plus complètes) lorsque les courants d’eau douce sont plus lents.

     D’autre part, l’action hydraulique des vagues en provenance de la mer favorise ces mélanges et ralentit les courants d’eau douce au niveau des embouchures. Dans ces eaux saumâtres, les particules plus légères réagissent avec l’eau de mer (comme antérieurement mentionné) et les plus lourdes se déposent sur le fond, donnant naissance aux sédiments qui vont enrichir le substrat. Parfois, ces mêmes sédiments sont déplacés par la force des marées, selon le cycle lunaire et la saison, et créeront en des lieux particuliers des couches (stratus) qui enrichisseront le sol.

     D'autres facteurs peuvent également influencer la bonne santé ou avoir un impact sur les estuaires. Parmi ceux-ci, notons la force des vents et l'intervention humaine. Concernant cette dernière, il y a beaucoup d'activités qui peuvent mettre en péril une embouchure: l'urbanisation côtière (comme la construction de complexes hôteliers), les infrastructures portuaires, le creusement de chenaux et canaux, les décharges d'eaux usées, la proximité de plateformes pétrolières, les aménagements conchylicoles, la récupération de terres par assèchement, la surexploîtation des stocks (comme des pêches excessives et l'extraction industrielle de sable et autres matériaux trouvés dans le lit de la rivière), la déforestation en amont et dans certains cas la navigation motorisée.

     Malheureusement même si ces lessivages entraînent des dépôts naturels intéressants, ils peuvent aussi accumuler des résidus provenant de pollutions terrestres. Si cette pollution est en grande partie contenue aux estuaires (comme nous l'avons vu plus haut), ces derniers peuvent aussi accumuler dans ces mêmes sédiments des quantités non négligeables de particules moins intéressantes pour l’environnement.

     L'évolution - en bien ou en mal - d’une région peut donc être en partie appréciée en analysant périodiquement des échantillons prélevés dans ces sédiments estuariens. Cette approche peut en effet nous avertir sur certains dangers à venir et surtout nous indiquer au sujet de l’efficacité de nos stations d’épuration et du traitement en amont de certains rejets industriels non souhaitables !

(Note: l'auteur s'est en partie inspiré de l'article "Estuaries" écrit par Michael LUDWIG du National Marine Fisheries Service dans le Connecticut)

_______________________________________

1   Communauté végétale microscopique flottante.

Quelle est le premier caractère du mot 7ac1k ?

Fil RSS des commentaires de cet article