La problématique du climat versus la production aquacole

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Environnement Mots clés : aucun

     Le grand public a déjà été sensibilisé aux nombreux problèmes qui apparaissent en agriculture classique. Mais qu’en est-il avec ce que l’on produit sous l’eau dans nos claires, bassins et étangs ?

     L’influence de la météorologie, plus généralement du climat, perturbe aussi beaucoup de phénomènes avec lesquels nous devons de plus en plus compter. Et souvent, nous sommes à la merci de toutes ces perturbations qui viennent trop souvent à des moments non souhaités !

     Lorsque le climat se refroidit comme en automne, la température de l’air au-dessus des étangs communique petit à petit la baisse de température à l’eau qui s’y trouve juste en-dessous. Mais il est bien connu que cette baisse de degrés (tout comme l’augmentation de ces derniers au printemps) se fait toujours rétro-activement, c’est-à-dire plus lentement. En région tempérée, les poissons, crustacés, mollusques et autres (micro-)organismes aquatiques ont tendance à devenir moins actifs pour s’adapter au manque d’aliments, car ces derniers sont de plus en plus épars/clairsemés (l’eau devient plus transparente). Le cas du phytoplancton est bien connu : en hiver, il parvient difficilement à se reproduire. C’est la raison pour laquelle les huîtres que l’on affine longuement emmagasinent une substance de réserve blanchâtre (beaucoup plus ferme que la laitance) qui sert à puiser de l'énergie pour assumer ses fonctions vitales (en fait, pour survivre) durant le froid de la période hivernal. Comme dans le foie des êtres humains en cas de besoin*, cette réserve est du glycogène** qui possède ce petit goût caractéristique de noisette propre aux huîtres affinées en pousses en claires.

     Mais lorsque le climat est capricieux, comme nous l’expérimentons ces dernières années, le climat peut alternativement se réchauffer, puis se refroidir, ensuite se re-réchauffer, pour finalement se refroidir… et les pauvres organismes aquatiques ne savent plus à quel sein se vouer : faut-il rentrer en hibernation ou faut-il se reproduire ?? On observa bien des inconsistances dans leur développement, une absence ou un manque de glycogène... ; chez les gambas, des mues furent perturbées et n’ont pu aboutir, des croissances sont reparties à la hausse ou ont stagnée… Ainsi, l'année passée, notre production de gambas subtropicales (très dépendante de la température de son environnement) nous ont permis de les récolter plus longtemps, car il y eût une période particulièrement chaude en novembre qui a favorisé leur réveil léthargique provoqué par un premier froid. Il y eût ensuite de nouveaux déplacements pour pouvoir les re-piéger. Ainsi, cela nous a donné de très belles ventes à la fin de 2024. Mais ceci n'a fait qu'un peu compenser les très mauvais résultats chez les huîtres (demande dérisoire qui ne fait que traduire la morosité du marché national).

     Tout cela fait évidemment partie de la vie d’un producteurs-éleveurs. Lorsqu’on désire s’investir dans ces très beaux domaines de la terre (agriculture, c-à-d cultures & élevages) et de l’eau (aquaculture, c-à-d pisciculture, ostréiculture, mytiliculture, etc.), il faut savoir que la vie n’est pas toujours très rose : elle est non seulement rude et dure physiquement, mais elle est également jalonnée d’obstacles que l’on n’attend pas nécessairement.

     Vous me direz que c’est cela le « sel » de beaucoup d’activités à la campagne, en forêt et en mer. Elle possède en effet des qualités indéniables pour la vie au grand air, comme l’apport de vitamine D, d'iode ou encore des senteurs ou arômes propres à certaines essences particulières non encore contaminées. Toutefois, il y a aussi des aspects moins attractifs - comme dans tout métier - qu’il faut savoir encaisser et amortir en solutionnant des retards de croissance, certains contrevenants, quelques accidents et de fréquentes catastrophes météorologiques. Le savoir n’est pas tout, il faut aussi pouvoir faire face à de nombreuses irrégularités de son environnement.

     Savoir produire est bien beau, mais pouvoir vendre ce que l’on produit est encore mieux !

     Parfois, ceci n’est pas toujours fort évident : prenez les nombreux exemples qui se sont déroulés tout le long de 2024 : combien d’agriculteurs n’ont-ils pas perdu leurs récoltes pour les inondations, un glissement de terrain, un vent particulièrement violent, des grêles récurrentes et j’en passe ! Le consommateur ne se l’imagine pas toujours: chaque fois, le producteur doit se remotiver et puiser dans ses réserves (efforts humains, économies) et la plupart du temps remonter SEUL la pente, en ne misant que sur ce qui lui reste à disposition (c-à-d courage, travail, ressources monétaires, solidarité locale). Car les aides gouvernementales (si elles se présentent) et les remboursements d’assurances (qui trouvent toujours une bonne raison pour payer un minimum) ne viennent que bien après (s'ils se concrétisent) ...la plupart du temps, NON proportionnées aux dégâts subis.

     En aquaculture également, il y a parfois des inondations qui provoquent des dommages difficilement réparables. Ainsi, avec la tempête Cynthia en 2010, la mer avait envahi bien des exploitations : chez nous, la mer avait recouvert la totalité de la ferme et l'eau était montée d'1,3 mètre au-dessus des murs des étangs (claires). Les poissons et crustacés qui s’y trouvaient ont tous été emportés et n’ont jamais pu être repris. Les huîtres et autres bivalves se sont envasés et furent irrémédiablement perdus. Ce fût également le cas en 2023, lors de plusieurs hauts coefficients: la berge d’un canal chez un voisin s’est écroulée et rien n'a été entrepris pour remédier au problème. Les eaux ont envahi répétitivement certains de nos étangs et a rempli notre fosse sceptique. Par mesure d'hygiène, cette dernière a dû être vidée en urgence, occasionnant - à notre dépend - des frais supplémentaires. En 2024, un autre voisin s’est engagé dans des travaux de terrassement. Lors de hauts coefficients, la mer a traversé la route et s’est de nouveau engouffrée sur notre ferme affectant d'autres étangs. Cette fois, ce sont des gambas qui se sont évadées dans le fossé d’évacuation des eaux ! Ici aussi, nous n’avons rien pu faire si ce n’est qu’observer et constater les dommages !

     Parfois, il faut être vachement philosophe en pareilles circonstances !!!

     Voilà avec quoi nous devons parfois construire notre comptabilité en fin d’année. Mais ceci n’est pas le souci majeur des autorités, car tout ce qui compte en réalité ce sont les chiffres du bilan annuel ! Et si de plus, vous essayez de produire du plus propre pour les consommateurs, en ne comptant QUE sur ce que la NATURE veut bien OFFRIR comme nourriture (c’est-à-dire beaucoup moins d’animaux au m² ...pour qu’ils puissent manger à satiété***), vous atteindrez difficilement une balance comptable positive ! Si vous n’êtes pas réellement motivé par votre activité, alors il vaut mieux s’orienter vers un autre secteur de l’économie...

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*      En cas de privation durant un jeûne ou le manque de nutriments/nourriture.

**   Le glycogène est un polymère (une macro- ou grosse molécule) du glucose dont la formule chimique générale est du type (C6H10O5)n, soit un glucide complexe. Utilisé par les animaux et les champignons comme réserve d’énergie chimique, il permet de libérer rapidement du glucose, essentiellement dans le foie et les muscles, comme l’amidon chez les végétaux.

*** A satiété = à leur faim.

 

Quelle est le cinquième caractère du mot xp0i9rsd ?

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